Auteur-compositeur, productrice et pianiste, Alicia Keys figure en tête des rares artistes polyvalents du genre nu-soul et R&B qu’elle domine avec sa trentaine de millions de disques vendus et une dizaine de Grammy Awards en seulement cinq années d’exercice et quatre albums originaux. La chanteuse qui n’a connu que le succès depuis son premier opus Songs in A Minor (2001) cumule les apparitions au cinéma et les numéros un comme c’est à nouveau le cas pour The Element of Freedom (2009) dont est extrait l’hymne « Empire State of Mind » avec Jay-Z. L’album suivant Girl on Fire apparu en 2012 ajoute de nouvelles cordes à l’arc d’une artiste multiple. Mais si ce dernier traduisait la continuité d’une formule maintenant bien rodée, la chanteuse se met en danger sur le suivant avec l’audacieux Here en 2016.
« I was thinkin’ about Alicia Keys, couldn’t keep from crying / When she was born in Hell’s Kitchen, I was living down the line » – Bob Dylan (« Thunder on the Mountain », Modern Times).
Née le 25 janvier 1981 dans le district de Harlem à New York, Alicia J. Augello-Cook grandit dans ce quartier de Manhattan ; elle est la fille unique d’un couple mixte avec une mère irlando-italienne et un père jamaïcain qui ne tardent pas à se séparer. Son premier fait notoire est de pointer le bout du nez avec quelques copines dans un épisode intitulé Slumber Party de la fameuse série The Cosby Show alors qu’elle n’a que quatre ans. Sans tarder, sa mère l’oriente vers l’apprentissage du piano et l’étude des partitions classiques de Chopin, Beethoven et Mozart.
Alicia Keys, pianiste
La petite Alicia Keys compose sa première chanson « Butterfliz » à quatorze ans tout en poursuivant ses études à la Professional Performing Arts School dont elle sort diplômée à seize ans. Plutôt que d’intégrer une université, Alicia Keys préfère suivre une voie musicale, choisissant un nom d’artiste en rapport avec son instrument favori et enregistrant une maquette qui finit entre les mains du chanteur et producteur Jermaine Dupri, du label So So Def. Célèbre pour avoir lancé les carrières du trio R&B TLC et de Usher, le compagnon de Janet Jackson ne rate pas l’opportunité qui se présente en la personne d’Alicia Keys.
En un tournemain, la nouvelle recrue du label Columbia est emmenée en studio pour créer sa propre composition « Dah Dee Dah (Sexy Things) », destinée à la bande sonore du film Men in Black (1997). Cependant, la relation avec la maison Columbia tourne court. Alicia Keys décide alors de suivre le mentor Clive Davis chez Arista puis le tout nouveau label J Records, filiale du groupe BMG. C’est entre ces murs qu’elle compose les titres « Rock With U » (bande originale du remake de Shaft, 2000) et « Rear View Mirror » (extrait du film Dr. Doolittle, 2001), constituant de bons galops d’essai à son premier album Songs in A Minor.
Alicia Keys, chanteuse
Paru en juin 2001, ce premier album démarre en flèche dans les classements, se positionnant à la première place six semaines d’affilée, notamment grâce au succès de « Fallin’ » (n°1). Songs in A Minor totalise douze millions d’unités vendues et Alicia Keys cumule les récompenses lors des remises de prix l’année suivante avec les Grammy Awards en tant que « Révélation de l’année » et interprète de la « Chanson de l’année ». L’album est alors réédité sous le nom Remixed & Unplugged in A Minor avec des remixes et des versions de concert. La presse s’empare du phénomène, la comparant aux glorieux aînés des années 1970, les Curtis Mayfield, Stevie Wonder et Donny Hathaway (dont elle reprend « Someday We’ll All Be Free » lors d’une émission en hommage aux victimes des attentats du 21 septembre 2001). Certains vont jusqu’à annoncer la « nouvelle Roberta Flack ».
Alicia rafle tout aux Grammies
Conservant la tête froide, Alicia Keys fait une courte apparition sur l’album Stripped de Christina Aguilera (« Impossible ») tout en consacrant une année à la gestation et à la production de son deuxième album The Diary of Alicia Keys qui sort en décembre 2003. Cumulant un succès tant critique que public (meilleure vente annuelle), il révèle de nouvelles facettes d’une artiste complète osant le grand écart entre des arrangements classiques et des boucles hip-hop. « You Don’t Know My Name » et « If I Ain’t Got You » se classent plus qu’honorablement dans le Top 5 américain (ce dernier reste même plus d’une année complète dans le classement du Billboard). Sans surprise, Alicia Keys rafle quatre Grammy Awards en 2005 : « Meilleure chanteuse R&B », « Meilleur album R&B » et « Meilleure chanson R&B » pour « You Don’t Know My Name » et « Meilleur performance en duo ou en groupe » pour « My Boo » (deuxième n°1) chanté avec Usher.
Le 14 juillet 2005, Alicia Keys se produit en mode acoustique de rigueur pour un numéro de la célèbre émission MTV Unplugged, faisant bien entendu l’objet d’un album mis en vente à l’automne. La chanteuse couronnée en profite pour inviter quelques connaissances : Common et Mos Def, Damian Marley, Adam Levine (Maroon 5, sur le « Wild Horses » des Rolling Stones). Le succès moindre de Unplugged, à mettre en rapport avec les ventes généralement moins importantes de cette série, lui assure cependant une entrée en première place des charts.
Nullement affectée par des nominations sans récompense aux Grammy Awards suivants, Alicia Keys se concentre avec son partenaire d’écriture Kerry « Krucial » Brothers sur son troisième disque studio, As I Am, sorti le 13 novembre 2007 en fanfare et n°1 instantané. Côté singles, « No One » fait un score identique, confirmant que son interprète – honorée par un vers de Bob Dylan au détour de Modern Times – est bien là pour durer. En 2007, Alicia Keys ouvre ses propres Oven Studios à Long Island (New York).
Alicia Keys, actrice
Artiste polyvalente, Alicia Keys tâte du cinéma : dans Smokin’ Aces (Mise à prix), aux côtés de Ben Affleck et Andy Garcia, et dans The Nanny Diaries (Le Journal d’une baby-sitter en 2008) avec Scarlett Johansson. A venir, l’adaptation de la biographie de Phillipa Schuyler (1931-1967), pianiste classique métisse des années 30-40. Le rôle semble tenir à coeur à la jeune pianiste et le noir et le blanc des touches seront symboliques dans ce film intitulé Composition in Black and White.
Alicia Keys, citoyenne
L’engagement humanitaire fait également partie des préoccupations d’Alicia Keys qui soutient notamment l’association Keep A Child fournissant des médicaments destinés à la lutte contre le sida aux enfants du tiers-monde et pour laquelle elle reprend avec Bono le titre « Don’t Give Up » de Peter Gabriel. Elle crée aussi sa propre association From Tha Ground Up destinée à aider les jeunes talents. Le 7 juillet 2007, Alicia Keys se produit lors du festival humanitaire Live Earth en interprétant un titre inédit, « That’s The Things About Love ».
En décembre 2009 sort The Element of Freedom avec l’hymne à la Grosse Pomme « Empire State of Mind (Part II) » en duo avec Jay-Z et l’autre duo « Put It In A Love Song » avec Beyoncé. Mariée au producteur Swizz Beats depuis juillet 2010, Alicia Keys donne quelques mois plus tard un concert mémorable au Palais des Congrès à Paris (11 juin 2011) et retourne en studio peaufiner son sixième album. Sorti le 26 novembre 2012, Girl on Fire fait une nouvelle fois étalage des multiples talents de l’artiste qui en a confié la production à Dr. Dre, Swizz Beats et Jamie Smith de The xx. Infusé de ballades au piano et de touches rap et latino, Girl on Fire se classe en tête des ventes dès son apparition avec l’extrait du même nom (en duo avec Nicki Minaj) et les collaborations d’Emeli Sandé, Bruno Mars, Frank Ocean, Maxwell et Gary Clark Jr. La tournée qui suit passe par le Palais Omnisports de Bercy le 24 juin 2013. Trois ans plus tard, la chanteuse réapparaît transfigurée : comme un écho à sa décision de ne plus se maquiller et de revenir au naturel, elle propose un album plus organique et plus soul, dépourvu d’arrangements superflus. Avec Here, elle tente des structures complexes, privilégie l’acoustique quand la mélodie n’exige pas plus et fait preuve d’une souplesse vocale étonnante.